Des dizaines de rivières dans le monde recèlent d’importantes concentrations d’antibiotiques, démontre une étude menée par deux chercheurs de l’Université York, en Grande-Bretagne.
Il s’agit, selon les chercheurs, de la première étude de suivi qui tente d’identifier les points névralgiques de la contamination pharmaceutique à travers le monde.
Ce qu’elle dépeint est inquiétant puisqu’ils ont trouvé une quantité élevée d’antibiotiques dans 65 % des 711 sites testés. Dans certains cas, les taux sont 300 fois plus élevés que les niveaux considérés sécuritaires.
Les systèmes fluviaux contenant les plus hauts niveaux d’antibiotiques se trouvent en Afrique et en Asie, mais certains en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord et du Sud enregistrent aussi des niveaux préoccupants.
Les cours d’eau où les chercheurs ont découvert les plus hauts niveaux d’antibiotiques se situent au Bangladesh, au Pakistan, au Kenya, au Ghana et au Nigeria.
Ces données ne surprennent pas Pedro A. Segura, professeur adjoint au Laboratoire de chimie analytique et environnementale du Département de chimie de l’Université de Sherbrooke qui a dirigé, en 2015, une étude comparative recensant les données existantes sur la présence mondiale d’antibiotiques dans les eaux de surface. « Les concentrations d’antibiotiques étaient considérablement plus élevées dans les pays à faible revenu par rapport aux pays à revenu élevé », explique-t-il.
L’étude de l’Université York révèle que les sites où l’on a mesuré les plus hautes concentrations d’antibiotiques se trouvaient habituellement à proximité de systèmes de traitement des eaux usées ou de décharges d’ordures ou d’égouts.
Il ne faut donc pas croire que la majorité des rivières du monde sont intégralement contaminées, nuance le professeur Segura. « Ça dépend vraiment de l’endroit où l’on va prendre les échantillons. »
La résistance aux antibiotiques
L’antibiotique le plus présent dans l’échantillonnage est le trimethoprim, retrouvé dans 307 des 711 sites testés, et dont on se sert pour traiter les infections urinaires. Les chercheurs ont aussi trouvé des concentrations très élevées de metronidazole et de ciprofloxacin, tous deux utilisés contre des infections bactériologiques.
La présence de ces substances dans l’eau inquiète la communauté scientifique parce qu’elle pourrait mener au développement de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries, explique Pedro A. Segura. « Lorsque les antibiotiques se retrouvent dans un milieu donné, les bactéries qui sont capables de développer des outils pour détruire ces antibiotiques vont devenir de plus en plus importantes, tandis que celles qui ne le sont pas vont devenir moins importantes. » Donc, on va se retrouver avec un ensemble de bactéries de plus en plus résistantes à un plus grand nombre d’antibiotiques.
Un autre point à prendre en compte, mais sur lequel on est sait encore très peu, est l’impact des antibiotiques sur les organismes non ciblés, tels que les algues et les crustacés. On devrait cependant s’en soucier davantage, « étant donné qu’ils sont à la base de la chaîne alimentaire », ajoute M. Segura.